A/- INTENTION INITIALE, CONTRADICTIONS
ET EFFETS PERVERS DU PROJET DE MONDIALISATION
La
mission originelle, déclarée, de la mondialisation, appellation officielle de
l’occidentalisation planétaire, était
l'affranchissement des hommes et des femmes de l’oppression, de
l’obscurantisme et de la misère, la promotion de l’individu contre l’emprise
des stéréotypes des sociétés anciennes, l’épanouissement de la personne, la
constitution d’une société juste, pacifiée, fraternelle, la fondation
d'une république universelle - (mission
n’étant, en fait, que la continuation du contre-projet de révolte contre Dieu,
fomenté par lucifer, en Eden, à
l’instigation duquel les ascendants de l’humanité naissante, Adam et Eve,
séduits par ses allégations mensongères létales, perpétrèrent la
transgression générique, qui devait
constituer la cause matricielle d’une « crise systémique catastrophique » dont
l’exacerbation et l’amplification exponentielles, tout au long des
siècles, devaient aboutir à la « crise
globale finale » que nous connaissons (GENESE 3:1-6; MATTHIEU 24; APOCALYPSE
18)
Déjà,
au simple plan historique, l’échec inscrit par anticipation au cœur même
de « l'intention universaliste du projet
», en raison de la nature invalidante de l'homme, devait se révéler, par
l'expression précocement constatée et ultérieurement exacerbée, d’une
grave contradiction entre l’enrichissement et le mieux-être croissants d’une
minorité de la population et la spoliation, l’exclusion, plus croissantes
encore, de la majeure partie de l’humanité (JEAN 15:4-5; Romains 7:14-25)
Ce
modèle, actuellement en panne de messianisme laïc et d'utopie humaniste, expose
une société globale, massifiée, inégalitaire, sans altérité ni alternative
historique, marquée par une crise de
rupture, profonde, sans précédent, non simplement fonctionnelle, transitoire,
comme déjà produit dans le passé, mais
structurelle et permanente.
Ce
bilan dramatique, économique, culturel et social de la mondialisation, est une
conséquence directe de son expansion matricielle. La mondialisation est, en
réalité, un processus
d’occidentalisation du monde, « de généralisation du mode occidental de
financement, production, consommation et institutionnalisation des rapports de
force acquis.
A ce
titre, elle est une dialectique de l’exploitation rationalisée, optimale, des
ressources de la planète un « dépassement sophistiqué » de la phase coloniale,
assignant aux pays détenteurs de
matières premières, une fonction déterminée de réserve, dont le libre-échange
globalisé autorise et officialise une extraction et une transformation
illimitées, par les puissances
dominantes, seules dotées des moyens techniques et financiers appropriés
(JACQUES 5:1-6)
Cette
mondialisation, matrice de rapports marchands systématisés, s'accroît
tendanciellement en une « spirale
inflationniste effrénée. » Il s’agit d’une « démesure » (hubris) de l’activité commerciale et d’une déviation du
rôle de la finance qui, de simples moyens, se métamorphosent en finalité
dommageable et préjudiciable pour l’ensemble
de l’écosystème et de la communauté humaine planétaires.
Ce
mouvement déréglé de flux financiers et de rapports marchands, mercantilisant
sur son passage, indistinctement, toutes formes de valeurs et de vie, même
celles considérées, de tous temps, comme
« hors transaction, hors commerce », inoculant rivalité, opportunisme,
compétition et violences égocentriques ou ethnocentriques dans les rouages du
lien social, est un vecteur de
dissociation individuelle, de désintégration communautaire et de perte de
perspectives spirituelles, libératrices des consciences (1 TIMOTHÉE 6:6-12)
Ce
processus de rationalité technique, économique et financière, « facteur
puissant d’obnubilation et de standardisation de l’imaginaire », fait peser une
menace sur l’identité des communautés, déstabilisées, dans l’accomplissement de
leur projet de construction d’un « sens » alternatif, qualitativement
supérieur, de type spirituel.
La
culture ecclésiale, définie comme ensemble de symboles, représentations et
d’expérience de vie conscientielles, spirituelles, composants d’un tissu communautaire facilitateur de croissance et de développement
de personnes et de projets, subit, dans le cadre la mondialisation, une
pression de conformité telle, qu’il n’est plus guère d’autre choix que celui
dicté par la seule réalité imposée - sinon par décision de résistance
spirituelle, cognitive, comportementale, pacifique, non conformiste (ROMAINS
12:1-2)
L’occident,
mobilisateur de techniques et d’idéologies, dans une unique optique
matérialiste, humaniste, par une recherche indéfinie de croissance et de
progrès, par une « culture de l’homme érigé
en finalité ultime » constitue, dans le même temps, contradictoirement et
inexorablement, un facteur de déclin, de
désorganisation et de déchéance de la vie
(MARC 8:36-37)
Cette
« volonté de puissance fantasmatique de maîtrise des forces de la nature, de
conquête de l’illimité, de réalisation
de fraternité universelle anthropocentrique » - par nature
anti-christocentrique - que les concepteurs et promoteurs ont cru devoir et
pouvoir fièrement déployer, ne représente, en fait, que le « rêve babélien »
par excellence, celui d’une humanité, en situation de déni complet par rapport
sa crise de « transgression générique » intervenue en Eden, obsessionnellement polarisée par son projet
d’auto-rédemption par la technicité, l’économie et l’urbanisation (PROVERBES
28:13)
Ce
projet de « tour de Babel mondiale »,
bien intentionnellement et
inflexiblement tendu vers la réalisation de ses « objectifs de fraternité
universelle, d’unicité de peuple et de langue », dévoile, à l'analyse, un
gigantesque mécanisme de défense de «
l’identité transgressive de l’humanité », par le biais d’un processus complexe
de sublimation, surcompensation, amplification, légitimation, justification et
institutionnalisation de la transgression, jusqu’à galvanisation et imposition
de celle-ci, au rang de civilisation « à
admettre par l'ensemble de la communauté humaine »(GENÈSE 11:1-9;
APOCALYPSE 18:5)
Ce
grave déni de réalité sur la nature même de l’homme fait de cette cité
planétaire une réalité, jusque-là inédite, dans l’histoire du monde, où
s’entremêlent confusément convoitises,
enrichissements, paupérisation, injustices, souffrances, frustrations et
violences. Les sciences et les techniques censées engendrer, à l’origine,
l’abondance et la paix se révèlent,
paradoxalement et dramatiquement, être,
à l'usage, de performants déclencheurs et catalyseurs de foyers de discordes et
de conflits meurtriers chroniques (ROMAINS 3:10-20; JÉRÉMIE 17.5)
Le
rêve ne peut que se transformer en cauchemar, par la volonté de réalisation de
« l’idéal de fraternité sans Dieu », en gommant les dysfonctionnements par
pression croissante de conformité
collective, de peaufinement de contrôle social des « citoyens du monde »,
finalisant, ainsi, au forceps, par effet
de standardisation et de massification
des comportements, l’utopique intention initiale des fondateurs (2
THESSALONICIENS 2:7-12)
B/- LES ORIENTATIONS STRATÉGIQUES
DE L’ÉGLISE DE CHRIST FACE A LA MONDIALISATION
L’occident
surcompense sa faillite spirituelle par une élévation de la vie terrestre, une
exaltation de ses réalisations et possessions, en valeur suprême, comme un « substitut de vie éternelle » tragiquement
inexistante dans son champ de conscience (COLOSSIENS 3:1-4)
Ceci
le réduit à la merci d’une prégnante temporalité séculière, contre laquelle il doit anxieusement lutter par une
activité compulsive, incessante, répétitive, faite d'accomplissements d’œuvres
et d'accumulations d’objets, autant de frustrants « substituts chimériques » d'une
perspective d’éternité oblitérée (JEAN
8:34)
Outre
le matérialisme induit par ce système, l’individualisme constitue un agent de
corruption du lien social et de décomposition des solidarités traditionnelles.
Il apparaît, initialement, comme un moyen de libération de contraintes et
d’ouverture de possibilités mais se révèle, cependant, à terme, destructeur des solidarités qui sont les
fibres et la trame des tissus communautaires, eux-mêmes toiles de fond
d’accueil de vies et d'histoires individuelles (JACQUES 1:14-15)
Notre
conviction est que les communautés, fondées sur l’évangile, ont toutes les
compétences nécessaires pour faire face à cette crise néfaste, en offrant une
alternative de vie à un monde
déstructuré, en pertes de repères et désarroi complet (LUC 5:13-16; PIERRE
2:9-12)
Loin
de vouloir sauver le « système monde » dont le texte révélé décrit, en
APOCALYPSE 18, l’incurabilité et l’effondrement final, ces communautés
spirituelles, dépositaires d’un savoir de qualité supérieure, sont en capacité,
par leur héritage spirituel – en activation et actualisation constante - de
compenser significativement les effets dévastateurs de cette crise systémique globale, par
diffusion et partage de leurs valeurs emblématiques de respect, estime, considération
et accueil inconditionnels du prochain – représentatives d’une culture de la vie, en réponse aux archaïques
programmations de la culture de mort (1 PIERRE 4:1-11)
Les
chrétiens de cette génération, potentiellement celle du retour du Seigneur,
sont conviés à une sérieuse prise de conscience de ce que signifient leur référence et leur appartenance au peuple et au royaume de Dieu,
pour endosser et assumer pleinement
leurs responsabilités de disciples,
face à une humanité en souffrance, sous l’empire de la pression de « modèles matérialistes
fétichistes », fondés sur une recherche effrénée de satisfactions
égocentriques, à base de rendement, productivité, profits et d’éviction du prochain (2 CORINTHIENS 13.5; LUC 6:46-49; MATTHIEU
5:44-48; LUC 14:12-14)
Ces
modèles, authentiques « idoles des temps modernes », de surcroît, puissants
générateurs de discrimination, d’exclusion sociales et d’aliénation cultuelle
et culturelle, doivent être répertoriés,
examinés, au regard de la pensée biblique et faire l’objet de propositions de
contre-modèles (LUC 6:31-36)
Celles-ci
pourraient consister en une exigence, pour chaque être humain, d’une garantie,
au droit d’estime, de considération, d’accueil inconditionnel bienveillant dans
la société humaine, de par sa simple
naissance; au droit de respect absolu de son intégrité spirituelle, physique,
intellectuelle, morale, sans dérogation ni exception; au droit incompressible au développement, dans les
domaines respectifs, de la famille, de l’éducation, de l’économie, du social et
de la culture (ROMAINS 15 :1-7; ÉPHÉSIENS 4:2,32; 5:21; ROMAINS 12:10, JACQUES 5:16, ROMAINS 14-13;
JACQUES 4:11, GALATES 5 :26; 1 THESSALONICIENS 5:11)
En
considération des défis, risques et enjeux, posés par ce « système monde
globalisé », l’impératif spirituel des communautés chrétiennes réside dans la
préservation de la spécificité de leurs
valeurs identitaires, le maintien de leur potentiel de prospective prophétique
catalyseur des réalités communautaires, la démonstration de la présence,
en leur sein, du Dieu Rédempteur porteur
d’un message d’amour et d’une puissance de salut, à une humanité résignée face
à une « machine monde » pesant sur elle, ressentie comme une fatalité (2
CORINTHIENS 3:16-18; MATTHIEU 5: 13-16; 1 JEAN 5:3-5; 1 PIERRE 4.10 ; GALATES
6:2,23)
Directement
confrontée à cette crise systémique globale, aux conséquences encore mal
évaluées, les communautés chrétiennes ont la responsabilité historique de dépasser
leur conception de « la sphère du privé de la foi », pour faire entendre
la Volonté de Dieu dans « la sphère du public », sans confusion des genres,
avec distinction des identités
respectives du « corps social » et du « corps de Christ »,
ontologiquement irréductibles l’un à l’autre.
Ainsi
sera éradiqué tout déni de réalité de la situation et exprimée la conscience de
Christ, au travers de son corps, l’église, en prise directe, temps réel et
relation de proximité avec les gens et
les groupes dans la souffrance (MATTHIEU 20:26-28)
Dans
cette optique, seront formulés des modèles sociétaux alternatifs, intégrateurs,
valorisant des attitudes de soutien, d’aide et assistance aux personnes en
situation de fragilité, de précarité et
supportant des projets d’économie solidaire adaptés aux contextes locaux.
Ces
conseils et actions pédagogiques, créatifs, innovants, assimilables et
praticables par une population non chrétienne, auront, par ailleurs, l’avantage
de constituer une étape préparatoire à des conversions ultérieures, en toute liberté, conviction et conscience des intéressés, hors
de toute instrumentalisation ou culpabilisation en raison du secours
précédemment apporté (LUC 3:4-6; JACQUES 2:14-17)
Une
telle conception communautaire, solidaire, permet, en plus du secours immédiat
porté dans des situations de nécessité, de véhiculer un message évangélique
holiste, de prise en considération de l’intégralité des besoins de l’être -
esprit, corps, âme - au cœur de la
société humaine; « témoignage direct d’une vie nouvelle agissante » au sein
d’un monde disloqué, dissocié, mortifié,
stigmatisé par une culture, individualiste, matérialiste, déshumanisée et
déshumanisante (2 PIERRE 1.3-8)
C/ LE MAGISTÈRE ÉTHIQUE PUBLIC DE L’ÉGLISE
EN DIRECTION DES DÉCIDEURS POLITIQUES
Les
églises, traditionnellement neutralisées par leur conception erronée d’un «
christianisme replié sur son privé », démissionnaires face à leur « magistère
éthique » vis-à-vis d’un monde sans Dieu, manquent à leur responsabilité de «
leadership d’opinion », d’aiguillage et d’orientation du monde vers des critères
de justice sociale, conformes à la logique
créationnelle et au principe de providence de Dieu sur le monde, dans
l’attente de la conversion des pécheurs et de l'avènement du Règne Divin (LUC 10:30-37; MATTHIEU 28:18-20)
Le
leadership d’opinion des chrétiens sur le monde, doit consister en une
démonstration magistrale de la supériorité absolue de leurs valeurs révélées,
en matière de structuration de vies
individuelles et collectives, par leurs pertinentes, cohérentes, convergentes
et performantes attitudes en interaction, de compassion, coopération,
interdépendance, interconnaissance, inter-soumission et coresponsabilité (LUC 4
:16-19; ROMAINS 15:8-13)
La
mise en pratique, dynamique de ces qualités interactionnelles, par les diverses
communautés, indissolublement unies, articulées en réseaux de solidarité, sur
la base de principes doctrinaux clairs,
irréfutables, hors ferments de traditions humaines annihilateurs du
commandement de Dieu, constitue une condition indispensable pour atteindre le seuil
de « masse critique », déclencheur d’un impact maximal sur l’environnement
humain (JEAN 17:17-23; ÉPHÉSIENS 2:10)
Les
disciples de cette génération sont, plus que jamais, appelés à opérer
l’administration de la preuve de leur appartenance au Royaume de Dieu, en
combattant, par le moyen de l'Evangile,
puissance intrinsèque de Dieu, les dominations occultes, aliénatrices de ce
monde - servant ainsi leur Dieu, seul dispensateur de vie, en Jésus-Christ, de
tout leur cœur, de toute leur âme, de toute leur pensée. (ROMAINS 1:16-17; ÉPHÉSIENS 6:10-12; MATTHIEU 22:37-40). En effet, le royaume de Dieu ne consiste
pas en parole mais en démonstration d’esprit et de puissance (LUC 9:11-17;
MATTHIEU 6:9-13)
Ils
doivent, dans cette intention, élever une voix prophétique collective,
puissante, capable d’influencer le cours des évènements régionaux, nationaux,
mondiaux, pour que soient traités en «
priorité et urgence absolue », les besoins, attentes, aspirations des êtres humains
les plus souffrants, démunis, opprimés, laissés-pour-compte - créatures de Dieu appelées au salut.
En
vue d’une progression vers ces objectifs vitaux de justice, un plan de
vigilance devrait être établi pour faire connaître, de manière pacifique,
constructive mais déterminée, aux responsables politiques des divers niveaux
d’organisation nationaux et internationaux, les valeurs éthiques des
communautés évangéliques concernant le service à apporter aux populations ainsi
que les attentes en matière de décisions et de reddition de compte, de la part
des décideurs, par (AMOS 5:14-15; AMOS 8:4-7; ZACHARIE 7:9-10) :
- l’application généralisée des critères
internationaux relatifs au respect de l’intégrité des droits de la personne
(droits fondamentaux de la personne, non marchandisation de la vie, préservation de l’environnement …)
moyens importants de transition, de l’immunité et de l’impunité vers la
responsabilité, chez les programmeurs et promoteurs de la « mécanique monde
déréglée »
- une participation et un pouvoir de
décision, accrus et significatifs, des pays en voie de développement, au
fonctionnement des institutions multilatérales qui s’engageraient alors à une
pratique de transparence de
l’information, du suivi effectif et de l’exécution réels des résolutions votées
par toutes les parties concernées, sans exception
- le développement et la mise en œuvre de
dispositifs efficaces de dissuasion de mouvements spéculatifs de prédation,
déstabilisateurs des devises et des investissements productifs
- le soutien actif de politiques de stimulation,
facilitation de projets économiques et sociaux
solidaires d’intégration populaire, génératrices de garantie de revenus
décents, suffisants, pour la
constitution et le développement, dans la dignité, de la famille, cellule de
base du corps social
- le réexamen de la pertinence et du
bien-fondé de la dette extérieure de certains pays, par analyse et réflexion,
en profondeur, cas par cas, des conditions de légitimité de sa création
- une révision des méthodes de négociation
des accords commerciaux internationaux en vue d’une juste conception des
transactions et de leurs retombées financières, marquée par une volonté réelle
de changement des rapports de forces actuellement défavorables aux pays
pauvres, parties à ce type de « contrats léonins », en fonction des besoins
vitaux de leurs populations, pour l’instant paupérisées et exclues d’un partage
équitable
- le prélèvement d’un pourcentage, sur les
volumes de transactions boursières, en vue d’une constitution de fonds
complémentaires affectés à des plans de développement des pays victimes des conséquences de
l’application de « théories économiques dévastatrices, darwiniennes
D/- L’ENSEIGNEMENT DE JÉSUS SUR LA RAISON D’ÊTRE ET LA MISSION DE SES DISCIPLES FACE AUX BESOINS DES PERDUS
1- L'ESPRIT DE LA COMMUNAUTÉ MESSIANIQUE
Les
chrétiens sont des « artisans du cœur et de l’esprit » appelés et préparés par
le Seigneur à découvrir, au sein des situations les plus précaires, une
plénitude nouvelle, celle que Jésus vit et leur partage dans le message des
béatitudes (MATTHIEU 5:3-10), plus expressive d’un encouragement à l'espérance
que d’un conseil de résignation; chaque promesse des béatitudes concernant toujours un Règne de
Dieu, déjà bien présent dans la venue de Jésus, mais toujours en attente
d’accomplissement et de consommation ultimes, définitifs, dans le futur
(ROMAINS 8:18)
La
justice surabondante prônée par Jésus radicalise les prescriptions de la loi,
par l’instauration de nouvelles « normes comportementales pneumatiques » de
rapports fraternels renouvelés, au sein de la communauté
messianique, de la famille de Dieu.
Jésus,
en effet, convie ses disciples à imiter la perfection de leur Père Céleste, par
une exhortation à promouvoir un accueil mutuel et une réconciliation
inconditionnels, vivre la fidélité conjugale et respecter le foyer d’autrui,
pratiquer la vérité dans les échanges fraternels, exercer l’amour des amis
comme celui des ennemis, cherchant par tous moyens et voies spirituels,
conformes aux principes du Royaume, l’obtention d’une croissance et d’un
développement systémiques, holistes, individuels et collectifs - esprit, âme et corps/ personnes et
communautés.
En
fait, l’essentiel de ce nouveau pattern de vie trouve son fondement en Jésus et
sur la révélation qu’il communique du « mode d’agir du Père » dont la force
d’accomplissement est seule capable d’en permettre la réalisation plénière
(JEAN 5:17-20; 14:9-13; 15:1-5; PHILIPPIENS 2:13; EPHESIENS 4:11-16)
Le
père est, tout à la fois, principe, motivation et finalité de toutes attitudes,
conduites et comportements de justice, dont le niveau d’intimité filiale
détermine la qualité.
La
justice du Royaume, de nature foncièrement différente de celle de l’ancien
régime légaliste, formaliste, inopérant, des scribes et des pharisiens, résulte
d’un engagement dans l’esprit de la grâce, fidèle, intègre, loyal, sincère
- « holiste et fractal » - au service de
Dieu, dans une communauté de vie indissoluble avec lui, génératrice de fruits
multiples en faveur du frère, du prochain et…du monde entier.
Ce
tempérament de base des disciples, fruit du don de la filiation eschatologique,
caractérisé par une focalisation exclusive de la conscience et de l’être sur
Dieu et le prochain, se manifeste par une ouverture illimitée aux exigences radicales
du divin, pour la réalisation de son dessein éternel de conception, formation
et édification d’êtres régénérés, sur le modèle matriciel de Christ, en vue de
leur incorporation définitive à la famille éternelle du Père (1 CORINTHIENS
3:4-9; ROMAINS 8:16-23)
2- LE SERVICE MISSIONNAIRE
La
communauté des disciples formée par Jésus est ontologiquement missionnaire,
dans la mesure où la mission se définit comme implication et participation des
disciples aux initiatives, actions et desseins du Maître.
Cette
communauté se caractérise par l’importance
particulière attribuée aux
pauvres, démunis, spoliés, exclus et discriminés par un monde aux
archaïques programmations darwiniennes, égocentriques et ethnocentriques.
La
situation de crise actuelle, gravement porteuse d’une menace de déstabilisation
et d’inhibition de l’unité synergique de la communauté chrétienne ainsi que
d’une stagnation des objectifs de justice et de compassion assignés par son
maître, exige un sérieux regain de résolution et de détermination dans sa
volonté d’accomplissement du mandat divin, avec une assurance et une certitude
renouvelées de l’indéfectible présence de son Dieu, en son sein et de
l’imminence de l’avènement de son Royaume (MATTHIEU 6:23; 28:16-20)
En
tout état de cause, par son assistance persévérante, bienveillante, sans faille
et en dépit des pesanteurs historiques et sociologiques de la culture sublimée
et institutionnalisée du péché, par ce monde, le Ressuscité glorifié ne cesse
de tendre, de manière exponentielle, vers l’affectation de sa propre valeur
divine au sens de l’existence des hommes, en agissant par ses disciples au
milieu des nations, pour promouvoir l’extension de sa divine et resplendissante
nouvelle création (ROMAINS 8:33-39)
Il
est maintenant temps de prendre conscience de l’importance particulière des
enjeux eschatologiques, de faire preuve d’esprit de décision, d’endosser et
assumer totalement ses responsabilités,
de privilégier les voies du don, de l’amour des frères, du prochain et de risquer les talents reçus dans
un engagement catégorique et indéfectible (MATTHIEU 25:14-40)
Tout
est possible car le mandat de mission universelle, réalisation de la promesse
faite à Abraham (GENESE 12:3), rend, désormais la puissance de Dieu disponible
à tous les croyants, par la foi, en tous lieux géographiques et temps
historiques, jusqu’à la consommation finale du monde.
E- DES ENGAGEMENTS CONFORMES A L’ÉVANGILE DE L’INCARNATION
1- L’ÉVANGILE DE L’INCARNATION
La
conception du Royaume que Jésus développe, dans les évangiles, inclut tout en
la transcendant, la condition humaine, avec ses souffrances, ses besoins, attentes et
aspirations.
Considérer
l’ensemble des dimensions de la vie terrestre, en référence et corrélation avec
les principes fondamentaux du Royaume, constitue une grille de lecture et une
potentialité de transformation de la réalité, en harmonie avec la vision du
Maître d’un haut niveau de performance, permettant de traiter, de manière
optimale, les vrais enjeux, risques et défis divins, situés à l’intersection de
l’histoire du salut et de la première humanité mortifiée par le péché (MATTHIEU
6.33)
L’amour
de Jésus pour le pécheur n’ayant d’égal que son aversion pour le péché, agent
de perdition, explique et justifie son
implacable dénonciation de toutes les formes de corruption et de perversion
aliénatrices, dépravatrices de la nature humaine: hypocrisie des pharisiens,
cupidité du riche insensé, avidité des vignerons homicides … (MATTHIEU 23:1-33)
La
mission des disciples doit être configurée sur le modèle de Christ, qui envoie
comme le Père l’a envoyé, communiquant un modèle en sa personne, en vue de
l’accomplissement fructueux du mandat qu’il leur a confié jusqu’ à son retour
(LUC 4:18-19)
L’Église est ainsi formée par une communauté de personnes réellement nées de nouveau,
spirituellement soustraites à l’influence du monde, puis réinvesties à son
service, avec une nature régénérée,
incorruptible, préservée de tout risque d’assimilation ou de rechute sous les
puissances du siècle, par éventuel «
syndrome de confusion de genre. »
Cet engagement et cette implication ne sont pas
une « simple option sociale » mais une « impérative obligation de l’esprit », «
catégorie en soi irréductible » aux thématiques idéologiques générées par la
société historique.
L’Église doit bannir toute approche des réalités de la souffrance humaine, due au péché,
par une dogmatique biblique formaliste, dépersonnalisée, désincarnée et
promouvoir une approche de ces mêmes réalités par une évangélisation personnalisée,
incarnée, chaleureuse, non altérée par une culture de cloisonnements et
clivages institutionnels artificiels, contre-productifs - car « l’union, sur
des bases doctrinales saines et des relations fraternelles authentiques, sera
toujours la force déterminante au sein des combats. »
En
tout état de cause, les communautés chrétiennes ne sauraient indéfiniment
demeurer impassibles et inertes, face aux aliénations, maux et souffrances
générés par le « projet de mondialisation de la vie sans Dieu », en laissant la
conception réductionniste, confusionniste de leur foi, essentiellement
focalisée sur la seule espérance future (dimension verticale de la foi: la
relation à Dieu) inhiber, neutraliser leurs responsabilités sociétales
présentes (dimension horizontale de la foi: la relation au prochain), reléguant
ainsi une majorité de croyants à l’assimilation passive de principes et
attitudes relativistes, individualistes, matérialistes, issus de la culture de
masse, par privation de critères de référence, d’appartenance et d’identité
messianiques précisément définis, ayant trait aux impératifs éthiques et
implications concrètes de la vie nouvelle – articulant les deux inséparables
dimensions, de verticalité et d’horizontalité de la foi ( ÉPHÉSIENS 4:20-21; ROMAINS
12:1-2; MATTHIEU 5:13-16; 2 PIERRE 1:3-11)
Face
à ce processus tentaculaire de mondialisation, l’Église est invitée à sortir de
son sommeil dogmatique, renouveler son engagement de fidélité à l’ordre
missionnaire de Jésus-Christ consistant à aller dans le monde entier pour annoncer, individuellement
et communautairement, l’évangile intégral du salut par grâce, répondant à la
totalité des besoins, attentes et aspirations des hommes: spirituels, physiques, intellectuels,
économiques, sociaux, politiques - les deux erreurs extrêmes, antithétiques,
étant, en ce domaine: l’attention et l’action exclusivement portées sur
l’évangélisation et les besoins spirituels de l’être et celles
quasi-exclusivement focalisées sur les problèmes économiques et sociaux du
monde (COLOSSIENS 3:12; 1 JEAN 3:16-20)
2- L’EXEMPLE DU JUBILE
A ce
titre, le « jubilé » de l’ancien testament fournit une pertinente matrice
conceptuelle pour la compréhension de la problématique: l’Église et la
mondialisation.
Ce
mot, procédant de l’hébreu « Yobel », signifie « corne de chèvre », qu’on
devait utiliser comme trompette pour proclamer, tous les 50 ans, l’ouverture
d’une année particulière pour Israël : l’année du Jubilé au cours de laquelle
devaient être exécutées les prescriptions du chapitre 25 du Lévitique
enjoignant principalement le rachat de
la propriété et la libération des esclaves.
La
configuration sociale d’Israël, structurée autour de l’appartenance à une
tribu, une famille, avec la propriété foncière et immobilière comme
constituants de la prospérité, devait
être régulée de telle sorte que toute propriété qui avait été vendue,
pour différentes raisons, devait être restituée au propriétaire initial, au
moment du Jubilé; de même, ceux qui
avaient été contraints de se vendre, pour insolvabilité, devaient être
libérés.
Ces
prescriptions revêtaient une fonction éthique, de régulation et d’équilibrage
du système économique et social du peuple, en faisant obstacle à l’accumulation
et à la concentration excessives, abusives, des richesses entre les mains d’une
minorité au détriment des droits fondamentaux à la vie d’une majorité d’exclus,
spoliés, assujettis, asservis, laissés-pour-compte, sans pouvoir ni avoir.
Ces
mêmes prescriptions - dont on n’est d’ailleurs pas certain qu’elles aient bien
été pratiquées en Israël - offraient l'avantage de rappeler au peuple
l'irréductible réalité de « l’Autorité Souveraine Absolue de Dieu sur les biens
et les personnes, sur son peuple» (LÉVITIQUE 25:23,42,55).
Dieu
portait ainsi à la connaissance de son peuple que nul ne peut demeurer
l'esclave de son prochain, car tous sont serviteurs de Dieu seul, que toute la
terre est sa propriété et qu’il est alors légitime titulaire d’un droit
d’intervention sur sa création, pour en dénoncer, corriger les distorsions
induites par le péché des hommes et inciter ceux-ci au respect de l’ordre
créationnel.
Ce
précédent, du jubilé, par sa mise en évidence de la tendance irrésistible de
tout individu ou groupe d’individus, détenteurs monopolistiques d’un droit ou
d’un pouvoir sur leur prochain, à en
abuser ainsi que de l’indispensabilité d’un dispositif de sécurité garant de la
dignité de chaque être humain - préalablement sur le plan naturel .... dans l’attente de
conversion ultérieure - permet à l’Église de mieux cerner et déterminer
l’ampleur de ses responsabilités, dans la perspective de l’accomplissement de
sa mission spirituelle face à la mondialisation.
Ce
modèle du jubilé, « idéal de justice globale », pourrait être utilement
considéré comme source de réflexion sur les notions de partage, de solidarité
entre nations, régions, communautés et individus, mais bien évidemment, en
fonction des données spécifiques du monde actuel.